24 Avril 2014
08 Sept. 2014

ARCHITECTURE EN UNIFORME

CITE DE L'ARCHITECTURE ET DU PATRIMOINE

Entre le bombardement de Guernica par les nazis (1937) et la destruction d’Hiroshima et Nagasaki par les Américains en 1945, de nombreux architectes ont été mobilisés pour participer au combat. Mais beaucoup ont poursuivi leur activité professionnelle au service d’une production industrielle d’une intensité sans précédent. La guerre fit appel à chaque aspect de l’expertise architecturale, suscitant d’importantes innovations et percées en matière de conception et de construction. Les architectes se sont avérés presqu’aussi indispensables du point de vue stratégique que les ingénieurs et les scientifiques ayant contribué aux efforts de guerre de leurs pays respectifs.

La guerre a mobilisé toutes les composantes de l’architecture. Elle a induit des innovations radicales grâce à des nouveaux matériaux et à de nouvelles manières de produire. L’extension de la guerre aérienne a contribué à rapprocher la guerre des villes et à l’éloigner du front. Les architectes ont ainsi participé à l’élaboration de nouvelles stratégies d’attaque et de défense; ils ont conçu et construit des usines en réponse aux besoins pressants de la production, et des habitations ouvrières. Volet plus sombre de leur activité,pendant que certains, du côté de l’Axe, construisaient des camps de concentration ou prenaient leur part dans l’occupation, d’autres du côté des Alliés, contribuaient à préparer la destruction des villes.

Au fil d’une vingtaine de thèmes, l’exposition propose un parallèle entre les différents théâtres de la guerre, confrontant les projets entrepris en France, en Angleterre, en Allemagne, en Italie, au Japon, aux États- Unis et en URSS.

Elle présente plus de 300 œuvres originales.

Le parcours débute avec une galerie de portraits présentant 40 des principaux protagonistes, en uniforme ou en civil, des criminels comme Albert Speer aux résistants, et l’arc temporel du récit, de la guerre d’Espagne, laboratoire du conflit mondial, aux ultimes raids sur le Japon. S’enchaînent ensuite une série de récits présentés de façon comparative dans une confrontation des politiques et des projets élaborés par les deux camps en présence.

L’intensité des destructions infligées aux villes par les bombardements est évoquée par les affiches destinées aux populations civiles tentant de survivre dans les décombres, tandis que les architectes deviennent au travers de leurs croquis les mémorialistes des combats, quand ils ne sont pas engagés dans la protection des monuments historiques, qui aboutit à la création d’étranges empilements de sacs de sables.

La guerre affecte aussi la sphère de l’habitation et conduit à ce qui est sans doute la première formulation d’une architecture durable, économe en énergie et fondée sur le recyclage.

Au front des combats s’ajoute celui des usines, et la guerre voit le lancement de programmes gigantesques pour leur construction, comme ceux que réalise Albert Kahn aux États-Unis. Les Allemands enterreront leurs usines à partir de 1944, imaginant d’étonnants labyrinthes souterrains.

Le parcours se poursuit avec l’évocation de la participation des architectes aux combats, notamment au travers de l’invention des systèmes de préfabrication exigés par une guerre impliquant une grande mobilité de troupes et d'équipements.

Dans une guerre transformée par l’usage massif de l’aviation, des architectes britanniques, comme Berthold Lubetkin, ou allemands, comme Friedrich Tamms, conçoivent des abris pour la population civile, parfois couplés à des batteries anti-aériennes. Leurs étonnants dessins sont confrontés à ceux que certains de leurs collègues élaborent pour camoufler les forces armées et les villes, afin de détourner les bombes. Cette utilisation de la « magie », selon les termes de Salvador Dalì, conduira certains d’entre eux à retrouver par la suite le sens de la couleur.

La guerre est marquée aussi par la réalisation d’installations géantes, dont l’extension territoriale est considérable. Ces macro-projets mobilisent l’effort de centaines d’architectes, qu’il s’agisse d’abriter des dizaines de milliers d’officiers, comme au Pentagone de Washington, ou d’organiser selon un plan d’urbanisme très élaboré, comme à Auschwitz, la production chimique, en mettant en œuvre dans le même temps l’extermination industrielle des Juifs. 

Les architectes mettent aussi au service de la propagande leur compétence en matière de communication et d’expression graphique.

Non contents de planifier méthodiquement la transformation de l’Europe de l’Est en colonie agricole, les nazis s’efforcent, sur le front occidental, de remodeler les territoires lorrains qu’ils ont réannexés.

Au lendemain des combats, un double travail est entrepris, sur lequel se conclut l’exposition. Il s’agit tout d’abord de condenser dans des monuments la mémoire des affrontements et des massacres, ainsi que les projets soviétiques ou italiens le proposent, d’étranges convergences formelles se révélant au passage pour les premiers avec certains projets nazis. En France, André Bruyère, à peine rescapé des camps, en organise la remémoration.

En parallèle, le recyclage des matériels et des technologies de guerre occupe des Américains comme Buckminster Fuller ou Bruce Goff, et des Britanniques comme Ernö Goldfinger.

Le parcours aboutit ainsi à une réflexion sur le legs matériel et spirituel d’une des épreuves les plus douloureuse de l’histoire de l’humanité.

 

Commissaire : Jean-Louis Cohen, architecte et professeur en histoire de l'architecture et des villes à l'Institute of Fine Arts de New York University.

DOCUMENTATIONS
Informations pratiques

Cité de l'Architecture & du patrimoine

La Cité est ouverte tous les jours sauf le mardi et les 1er janvier, 1er mai et 25 décembre. 

Lundi, mercredi, vendredi, samedi et dimanche de 11h à 19h 
Nocturne le jeudi de 11h à 21h

Adresse : 1, place du Trocadéro et du 11 novembre, 75116 Paris

CONTACT
Fabien Tison Le Roux
fabien@claudinecolin.com / 01 42 72 60 01