À travers la photographie, Lucie Pastureau tente de saisir les micro-chamboulements qui parcourent les individus, de figurer ce qui n’est pas visible. Elle pense le médium comme une rencontre avec l’autre, s’intéressant particulièrement aux périodes de transition et aux fragilités ordinaires. L’artiste envisage sa pratique comme une recherche, un langage poétique : elle aiguise les mots, manipule les images, les ordonne et les classe, en étudie les potentiels narratifs...
Après avoir longtemps travaillé sur l’adolescence, puis partant de son expérience de la grossesse, elle entreprend il y a presque un an un nouveau projet autour du corps qui se transforme, Les corps élastiques, accompagné par l’Institut pour la photographie.
Allant à la rencontre de ce qu’éprouvent d’autres corps, déployés ou empêchés, traversant des parcours singuliers, ce projet propose un récit choral de plusieurs corps qui font cœur, dans un acte d’émancipation, de réappropriation et de réconciliation avec une histoire intime. Les rencontres/portraits qui le jalonnent sont, pour la photographe, le moyen de rendre visible la complexité induite par les injonctions sociales, la normalisation et les stéréotypes. Les corps élastiques associe des textes, lus ou écrits, aux photographies. Parties intégrantes du projet, ils ouvrent une autre dimension, celle d’un langage poétique créant une ronde de voix qui s’entremêlent, une harmonie qui accueille les dissonances.
« Certaines grandissent, leurs corps s’étirent, on dirait qu’elles veulent en sortir, elles crachent à la gueule de l’enfance et se précipitent dans l’adolescence. Parfois, elles l’affament pour en freiner l’épanchage et la déformation, et accélérer ainsi leur chute.
D’autres, dans leurs corps empêtrés et empêchés, essayent de composer avec leurs rigidités, de se faire plus légères et d’apprivoiser les douleurs. Et puis il y a ceux qui deviennent celles (et l’inverse), qui depuis toujours ont la peau qui démange de ne pas épouser leur forme intérieure.
Et encore ces autres, habitées le temps de plusieurs mois par un être qui leur ressemble. Certaines sont en fusion, véritables poupées gigognes ; pour d’autres, c’est impossible même à imaginer, et leur corps tente de le leur faire oublier. » Lucie Pastureau, extrait des Corps élastiques
