09 Nov. 2011
26 Févr. 2012

SOCIETES SECRETES - SAVOIR, OSER, VOULOIR, GARDER LE SILENCE

CAPC - MUSEE D'ART CONTEMPORAIN DE BORDEAUX

L’humanité a toujours été fascinée par les sociétés secrètes, leurs rites clandestins, savoirs occultes et cercles exclusifs. Historiquement, les sociétés secrètes existent depuis presque aussi longtemps que la société elle-même. Elles désignent aussi bien des groupements de confréries inoffensives que des organisations puissantes animées par une ambition politique et financière. En période de crise, les sociétés secrètes gagnent en visiblité, sans doute parce que les valeurs alternatives qu’elles véhiculent trouvent plus de prise dans un contexte instable.

L’exposition « Sociétés secrètes. Savoir, oser, vouloir, garder le silence » présentée à Francfort à la Schirn Kunsthalle du 23 juin au 25 septembre 2011 puis au CAPC musée d’art contemporain de Bordeaux du 9 novembre 2011 au 26 février 2012, aborde la question des sociétés secrètes à travers le prisme de l’art contemporain, et dans un contexte de révélation médiatique - de WikiLeaks aux agences de notations pour citer deux exemples récents. Les aspects occultes du monde ont toujours intéressé les artistes. A la différence des journalistes qui investissent l’actualité, ces derniers s’approprient et détournent les mécanismes du secret, interrogeant davantage les limites de l’idéologie de la transparence à l’ère de la surexposition qu’ils ne révèlent directement l’identité d’acteurs ou les enjeux qui les animent.

Plus d’une centaine d’œuvres, parmi lesquelles tableaux, photographies, sculptures, films, installations, documents et des pièces à conviction, a été réunie pour l’occasion. L’exposition présente le travail de cinquante-deux artistes internationaux dont Dan Attoe, Armin Boehm, Cris Brodahl, Steve Claydon, Enrico David, Brice Dellsperger, Gretchen Faust, Julian Göthe, Uwe Henneken, Benedikt Hipp, Jenny Holzer, Rashid Johnson, Terence Koh, Donghee Koo, Elad Lassry, Gabriel Lester, Goshka Macuga, Duncan Marquiss, David Noonan, Markus Schinwald, Carl Michael von Hausswolff et Michael Esposito. Elle fonctionne comme un rite initiatique déployé sur deux étages du musée et divisé en cinq sections – initiation, maîtres occultes, conspiration, savoirs occultes, états altérés de la conscience – faisant passer le visiteur de l’obscurité à la surexposition.

Le terme « sociétés secrètes » désigne des groupes animés par divers intérêts et objectifs politiques, sociaux, économiques, religieux, ésotériques et occultes de nature conspirationnelle. Qu’il s’agisse d’alliances inoffensives comme les teenage groups ou confréries étudiantes, ou de trusts influents, de telles organisations agissent toujours dans l’ombre afin de préserver leur savoir secret et protéger leur cercle fermé. Ceci n’est généralement possible qu’en maintenant des règles strictes de confidentialité et passe par l’utilisation de signes, symboles et codes spécifiques que seuls les initiés peuvent comprendre. Ainsi, l’existence du groupe s’en trouve dissimulée. La plupart des organisations secrètes ont une structure hiérarchique caractéristique. Elle s’articule autour d’un chef inconnu qui peut être un maître masqué, un cercle confidentiel ou un être supérieur qui contrôle le cours des choses et maintient secrètes les connaissances du groupe. Les organisations secrètes ont toujours fait l’objet de suspicions de la part des non-membres, tout en les fascinant. En raison de leurs motivations douteuses et de leur potentiel anarchiste visant à corrompre les règles et les normes sociales, voire même à ignorer les lois, les sociétés secrètes ont été interdites dans certains pays. Parmi les plus importantes, on peut citer les francs-maçons, les rosicruciens, les Illuminati, la Mafia, le Ku Klux Klan et Al-Qaida.

L’acceptation au sein d’une société secrète passe par une épreuve initiatique stricte. Ce rite est généralement mis en scène dans un lieu tenu secret. Le disciple laisse derrière lui son ancienne existence, intègre le cercle. Pour cela, il est initié à son langage, à sa structure et à son savoir occulte. Lorsque le disciple devient membre, il passe d’un état de conscience à un autre. De nouvelles connexions, de nouveaux modèles et de nouvelles relations entre des choses qui lui semblaient auparavant radicalement opposées, apparaissent désormais dans la transparence de la mince couche de vernis de la vie quotidienne. C’est cette combinaison de passion, d’aveuglement, d’opacité et d’énergie subversive qui fascine et effraie, qui alimente les théories du complot et qui, au final, apparaît comme une alternative plus ou moins sombre aux systèmes de valeurs économique, politique ou technologique conventionnels. L’exposition montre comment les sociétés secrètes, avec leurs rituels initiatiques, langages formels et cercles d’initiés reflètent certains mécanismes de l’art contemporain et comment, à l’inverse, des artistes répondent à ces rites et symboles, rendant visibles certains liens entre société et sociétés secrètes.

Avec son installation Karo Sieben (2007), l’artiste allemande Ulla von Brandenburg fait librement allusion aux motifs à damiers du symbolisme et du tarot franc- maçon tels qu’on les retrouve en alchimie, dans la Kabbale et en numérologie. Le metteur en scène américain Kenneth Anger se réfère explicitement à l’occultiste britannique Aleister Crowley dans son film Invocation of My Demon Brother (1969). Avec Acéphale (2001), l’artiste britannique Cerith Wyn Evans représente un homme décapité (symbole du culte du même nom fondé par l’écrivain français Georges Bataille dans les années 1930), sous la forme d’une silhouette à taille humaine en néon bleu. L’installation The Decapitation of Money (« La Décapitation de la monnaie ») (2010) du duo suédois Goldin+Senneby associe la pensée de Georges Bataille à l’infiltration du marché financier américain par des banquiers russes et chinois, et la BCEN (Eurobank) dans les années 1950. Dans son film Tarantism (2007), l’artiste danois Joachim Koester montre comment un groupe de personnes sensément mordues par une tarentule se comportent, atteintes de nausées délirantes et de mutisme.

Les conspirations et savoirs occultes font eux aussi l’objet de critiques dans de nombreux projets présentés. Dans son œuvre Souvenir d’Italie (Fondamenti della Seconda Repubblica) (2010) par exemple, l’artiste italien Luca Vitone revient sur le rôle de la loge maçonnique Propaganda Due formée en Italie pendant la guerre froide et dissoute en 1981, dont le programme visait à instaurer un Etat autoritaire en s’appuyant sur ses membres influents tels que Berlusconi. Le tribunal noir monumental d’Eva Grubinger, The Trial of Henry Kissinger (2009), examine le fragile équilibre entre pouvoir et politique de la personnalité ambivalente de l’ancien secrétaire d’Etat et lauréat du prix Nobel de la paix, tandis que l’artiste américain Sean Snyder dévoile dans The Site (2004/05) en associant photos et textes publiés lors de l’arrestation de Saddam Hussein en 2003, le non-fondement des charges déduites de ces preuves visuelles, et dénonce ainsi les rouages propres aux médias – œuvre saisissante dans le contexte actuel.

A travers une grande variété d’oeuvres d’artistes contemporains, l’exposition vise plus à mettre en lumière certaines questions posées par la recrudescence de la visibilité des sociétés secrètes à l’heure de la transparence médiatisée qu’à rendre visibles des choses invisibles ou à dévoiler des conspirations. C’est à travers le paradoxe selon lequel le secret reste secret uniquement s’il est communiqué et disparaît dès qu’il est divulgué, que les oeuvres sélectionnées entretiennent un rapport avec les sociétés secrètes et la société en général.

 

DOCUMENTATIONS
Informations pratiques

CAPC musée d’art contemporain Entrepôt Lainé.

7, rue Ferrère F-33000 Bordeaux Tél. +33 5 56 00 81 50 Fax. +33 5 56 44 12 07

DIRECTION

Commissaires de l’exposition : Cristina Ricupero et Alexis Vaillant

CONTACT

Contact presse : Samya Ramdane / samya@claudinecolin.com