21 Juin 2012
23 Sept. 2012

LOUIS SOUTTER - DIDIER VERMEIREN - LUKA FINEISEN

la maison rouge, Paris

Louis Sutter

En 1942, Louis Soutter décède à l’asile de vieillards de Ballaigues (Suisse), il laisse derrière lui une œuvre singulière, dont on ne perçoit que depuis peu la profonde modernité.

L’intérêt qu’il suscita chez des artistes majeurs comme Roberto Matta (1911-2002), ainsi que l’incidence de son œuvre sur les productions d’Arnulf Rainer (1929), Julian Schnabel (1951), A.R. Penck (1939) ou encore Elmar Trenkwalder (1959) confirment son inscription dans l’art du XXe siècle et la pertinence de son œuvre dans les réflexions des artistes contemporains.

Comme le rappelle Arnulf Rainer, qui s’est depuis le début des années 60 penché sur son travail et a acquis un ensemble de peintures : « il apparaît clairement aujourd’hui que Louis Soutter ne fut pas un peintre marginal, mais un pionnier par rapport à la génération dont je fais partie. C’est pourquoi il ne fut pas accepté avant aujourd’hui et c’est pourquoi il appartient à notre culture actuelle. » (Conversation entre Fridhelm Mennekes et Arnulf Rainer, catalogue de l’exposition Les doigts peignent, Arnulf Rainer, Louis Soutter, Musée Cantonal de Lausanne, 1986).

À travers sa recherche plastique profondément novatrice pour son époque, cet homme d’une culture étonnante, violoniste, notamment dans les orchestres symphoniques de Lausanne et de Genève, explore de multiples pistes : l’ornementation, l’illustration de livres, le dessin d’architecture ou de mobilier, la copie et sa réinterprétation, le dessin d’après nature, le nu.

En se refusant d’être rétrospective, l’exposition Louis Soutter désire insister sur la modernité de l’œuvre. Le parcours qu’elle propose se décline en plus de 200 dessins choisis parmi les 3000 qui constituent l’intégralité du corpus. Plus précisément, elle met en perspective l’évolution historique de l’artiste pour aboutir à cette période de maturité qu’incarnent les dessins aux doigts. Ajoutons à cela que toute une partie de l’œuvre de Soutter a été dessinée sur des pages de cahiers d’écolier. Mais ces derniers ont été démantelés, dispersés, voire dépouillés.

L’exposition présentera la reconstitution de l’un d’entre eux afin de mieux saisir la cohérence de l’œuvre. Un ensemble de pièces – inédites pour la plupart, notamment des esquisses et des dessins d’interprétation d’œuvres classiques – sera extrait de l’abondante production de Louis Soutter.

Ces dessins souvent méconnus éclairent les passages jusqu’alors négligés dans l’approche de l’œuvre, entre chacune des périodes et des renouveaux stylistiques qui se sont succédés tout au long de la création de Louis Soutter.

Respectueuse de la démarche de Louis Soutter, cette exposition a l’ambition de donner une vision d’ensemble à la fois originale et fidèle de l’œuvre en soulignant la cohérence de son travail et en lui rendant la place qui est la sienne dans l’histoire de l’art.

Didier Vermeiren

Toute l’œuvre de Didier Vermeiren (Bruxelles, 1951) est placée sous le signe du questionnement fondamental de la tradition sculpturale et des possibilités de la sculpture aujourd’hui. Il fait partie d’une génération d’artistes qui, dès les années soixante-dix, en s’appuyant à la fois sur les acquis de l’art conceptuel et minimal et sur l’histoire, a nettement contribué à redéfinir le discours artistique.

Si les sculptures de Didier Vermeiren se réfèrent souvent à d’autres sculptures de l’histoire de l’art, elles se répondent aussi les unes aux autres au sein de son propre travail. Une sculpture est toujours comme le terme d’une suite et forme une réponse à une œuvre précédente. En ce sens, toutes les pièces sont liées et constituent un ensemble cohérent et prolifique. Chaque exposition de Didier Vermeiren permet de tisser de nouvelles relations entre les différentes sculptures. L’artiste aime établir un dialogue dans ses expositions entre des œuvres récentes et d'autres plus anciennes. Il déploie ainsi, dans chacune des expositions qui lui sont consacrées, un regard à la fois rétrospectif et prospectif sur son travail.

Dans les œuvres qui ont fait sa renommée au début des années 80, Vermeiren s’est penché sur la signification de l’art sculptural à travers le questionnement de son support : le socle. La valeur du socle comme piédestal a graduellement disparu au cours du vingtième siècle. Si certains artistes, comme Brancusi, en ont fait une partie intégrante de leur travail, d'autres souhaitaient que l’œuvre ne soit plus séparée du sol par un socle. Autrement dit, le modernisme a fait du socle un attribut inutile. En réponse à cette évolution, Didier Vermeiren a repensé la raison d'être du socle pour en faire un volume autonome dans l'espace : si le socle est une base ou un fondement, il peut être déployé pour lui-même et à partir de lui-même.

On peut songer à ces pièces présentant un volume au matériau solide et lourd (pierre, plâtre ou fer) posé sur un volume identique mais au matériau souple et léger (mousse de polyuréthane), avec un jeu d’écrasement de l’un par l’autre qui manifeste le rapport au sol. Puis, dans une confrontation directe avec la question du socle, des « répliques » de socles de sculptures décisives de l’histoire (Rodin, Carpeaux, David Smith, Chamberlain...) furent exposées pour elles-mêmes (en plâtre, en bronze...). Puis, grâce à la déclinaison possible à partir d’un moulage, un positif fut présenté à front renversé sur son semblable, ou bien sur son négatif (son propre moule), ou bienencore retourné comme un gant, toutes armatures dehors. Mais si à chaque fois l’autonomie du socle en tant que sculpture est manifestée, les réflexions de Vermeiren vont bien au-delà du recours au socle en tant que « ready made ». L’œuvre n’est pas seulement trouvée là, mais, dans un devenir proprement plastique, le volume choisi est redéployé, travaillé, « sculpté ».

Certaines de ces sculptures caractéristiques du parcours de Didier Vermeiren sont présentées à la Maison Rouge. Ici, l’artiste, qui n’avait pas exposé à Paris depuis 2006 (Musée Bourdelle) s’est attaché à tirer parti de la configuration des lieux en choisissant deux ensembles pour les deux salles qui, en contrebas l’une de l’autre, se font face. Dans la première, la salle haute, seront présentées, pour la première fois en France, neuf grandes pièces, qui constituent le travail le plus récent de l’artiste (2007-2010) autour des sculptures intitulées Etude pour la Pierre et Etude pour l’Urne. Le second espace rassemblera un groupe de sept sculptures en plâtre, celles qu’on pourrait nommer « sculptures retournées » (1995-1999), ainsi qu’une série de 32 photographies en noir et blanc réalisées dans l'atelier en 1998, à partir d'une œuvre datant de la même époque ("Cariatide à la pierre", 1997). Car la photographie joue aussi un rôle important dans l’œuvre de l’artiste. Par le jeu de la lumière et du mouvement, on se fait constamment une autre idée des œuvres et chaque image photographique en présente une nouvelle facette figée dans le temps. Dans cette série, intitulée « Profils. Cariatide à la Pierre », Vermeiren a photographié sa Cariatide à la Pierre après lui avoir impulsé un mouvement de rotation, plus ou moins lent, en laissant le diaphragme de son appareil ouvert. Ce n'est plus le spectateur qui tourne autour de la sculpture mais la sculpture qui tourne sur elle-même, saisie comme en lévitation.

La mise en regard de ces images énigmatiques et de ces sculptures creuses, disposées en un chaos apparent au centre d’une salle elle-même en creux et située en contrebas de l’autre, invite alors le visiteur à adopter les multiples points de vues du sculpteur sur ces propres sculptures. Et quand au sein d’une installation, comme c’est le cas ici entre les deux salles de l’exposition, les œuvres se renvoient les unes aux autres, chacune portant en elle comme l’empreinte ou le souvenir d’une autre, alors c’est tout l’espace qui s’en ressent et se trouve comme redéployé en s’appuyant sur la présence des œuvres. Libre alors au spectateur de se choisir un parcours à sa mesure.

Dans son travail le plus récent, Vermeiren associe des résonances tirées de l’histoire de l’art à des propositions qui jaillissent du pouvoir créateur et de l’imagination intuitive de l’artiste. Il combine des réflexions sur la signification et l’impact de la sculpture avec des expérimentations de formes, de matériaux et de techniques diverses. Le hasard et l'intuition jouent, également, un rôle majeur.

Depuis ses débuts, Didier Vermeiren se tient en réserve du genre de sculpture qui cherche à susciter le spectacle à travers des formats excentriques et une figuration facilement interprétable. Son œuvre résiste résolument aux modes dans sa quête de l'essence de la sculpture.

Luka Fineisen

Des baies vitrées plutôt sombres et un haut mur de briques délimitent le volume intérieur en puissant contraste avec l'espace à “ciel ouvert”. Pour l'artiste, ce contraste appelle un matériau qui combine ces caractéristiques antagonistes.

L'installation “fluide parfait” inclut dans son dispositif la terrasse du café qui occupe presque la moitié du patio. Un réservoir conçu spécifiquement et placé en hauteur au dessus du mur le plus éloigné des tables du café déverse une mousse légère et aérée sur un plan en verre légèrement incliné. La production de mousse est continue pendant les heures d'ouverture de la maison rouge. La diagonale de la paroi de verre confère une rigueur formelle à la matière organique et renforce son intensité lumineuse à travers tout le patio.

Le spectateur déambule autour de cette coulée “blanche comme neige” constamment mouvante et changeante. Il perçoit ça et là, par transparence, des zones noires ou grises sur le fond sombre. La mousse se répand sur toute la largeur du plan incliné et envahit progressivement l'espace. Cette sculpture éphémère croît et disparaît simultanément. Au hasard des caprices d'un coup de vent, des morceaux de mousse peuvent se détacher et atterrir sur les tables du café. Ces fragments de mousse évoquent alors plus la douceur et la légèreté de la crème Chantilly que la masse compacte et menaçante d'un glacier ou d'une avalanche. Depuis l'extérieur du patio, l'installation semi-transparente s'offre comme un tableau mobile et changeant. Les variations du soleil créent à contre-jour des motifs fluctuant dans la structure monochrome.

 

L.Soutter - Jeux, 1937-1942
D.Vermeiren - Terrasse 2010
D.Vermeiren - Étude pour l’Urne #2 2008
D.Vermeiren - Étude pour La Pierre #1 2007
D.Vermeiren - Cariatide à la Pierre 1997
D.Vermeiren - L’Urne et l’Étude pour L’Urne #2
L.Soutter - Le Héros, 1937-1941
L.Soutter - Tête d'homme sur fond carrelé, 1935-1942
L.Soutter - Le colis froid, 1938
L.Soutter - Glace d'argent, miroir d'ébène, 1938
L.Fineisen - Züchtung/culture, 2006
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